Caton pose une bonne question : "Que se serait-il passé si l'armistice n'avait pas été signé ?"
Je vais y répondre après ce préliminaire : le petit jeu des "SI" est variable à l'infini. On pourrait tout aussi bien se demander "SI" la guerre n'avait pas été déclarée en 1939...? ou "SI" les accords de Munich avaient été autres…? Cela revient à illustrer la "théorie du chaos" (le battement d'ailes du papillon au Brésil qui provoque un ouragan en Sibérie…) par de savantes hypothèses aux effets aléatoires et à pratiquer l'analyse combinatoire. Ce qui peut nous entraîner très loin.
Qu'est-ce qu'un armistice ? C'est la suspension des combats entre pays en guerre. L'armistice est généralement demandé par le pays qui n'a plus l'espoir de gagner la guerre au pays présumé vainqueur qui l'accorde ou pas mais à SES conditions. Ces conditions font évidemment l'objet de discussions serrées et les modifications possibles ne ressortissent que de la "générosité" du vainqueur. Pendant les discussions, les troupes continuent de se battre et, sauf miracle, la situation des demandeurs s'aggrave. Les négociations ont commencé le 16 juin, la signature de l'armistice franco-allemand a eu lieu le 22 juin à 18h50. Il est entré en application le 25 juin sur tous les fronts le 25 juin à 2 heures du matin.
Je rappelle que ce sont les politiques qui décident et déclarent la guerre, que ce sont les militaires qui la font. Ce sont donc les politiques qui sont habilités à la continuer ou à l'arrêter. Le 13 juin, Paul Reynaud voulant se dérober à cette obligation, demande au général Weygand (général en chef ayant remplacé Gamelin-l'incapable le 19 mai) de capituler. Refus indigné de Weygand. Démission de Reynaud le 16 juin. Le Maréchal Pétain, appelé par le Président de la République Albert Lebrun, est nommé Président du Conseil et forme son premier gouvernement. Il fait demander leurs conditions aux Allemands.
Petit retour en arrière que je m'efforce de résumer à l'essentiel.
Le 3 septembre 1939, l'Angleterre puis la France déclarent la guerre à l'Allemagne qui vient d'envahir la Pologne, en respect de promesses données de soutenir cette même Pologne si elle était attaquée. La France mobilise près de six millions de soldats, l'Angleterre moins de 400 000. Huit mois se passent sans qu'aucune action d'envergure ne soit entreprise d'un côté comme de l'autre. A part quelques actions de patrouilles et quelques initiatives privées vite réprimées, il ne se passe RIEN, c'est ce qu'on appelé la "drôle de guerre" (Michel Péricard). La France, bien à l'abri derrière sa Ligne Maginot, et croyant les Ardennes et la Meuse infranchissables, s'occupe de "théâtre aux Armées", envoie ses hommes en permissions prolongées. Les ministres et le Président du Conseil se chamaillent à qui mieux mieux et, le 9 mai 1940, P. Reynaud qui a succédé à Daladier présente sa démission au Président de la République parce qu'il ne veut pas de Gamelin qu'il déteste.
Le 10 mai au matin (un vendredi avant-veille du grand week-end de Pentecôte), la Wehrmacht attaque simultanément en Hollande, en Belgique, à Sedan avec une brutalité inouie. La surprise est totale. Les Panzers déferlent partout avec des hommes super-entraînés, une puissance de feu énorme, et des généraux (Rommel, Guderian et d'autres) intellligents et efficaces. Les avions Stukas sont les maîtres de l'air et interviennent dans un délai de 20 minutes maximum, alors que les Morane français mettent de 8 à 10 heures pour agir. Pourquoi ? Parce que les Allemands communiquent entre eux par radio tandis que les Français en sont encore au vieux téléphone de campagne (avec dérouleur de câble soutenu par deux fantassins). Je pourrais muliplier ici les exemples de "différences"…
Le 16 mai, soit 6 jours après le début de la vraie guerre, l'armée française est déjà défaite. Le général Gamelin le confirme à Daladier dans un dialogue dramatique:
- Il faut attaquer, comme en 1918, quand le front était crevé…
- Attaquer avec quoi, réplique Gamelin, je n'ai plus assez de réserves, entre Laon et Paris, je ne dispose pas d'un seul corps de troupes.
- Alors, dit Daladier dont le visage s'est altéré, c'est la destruction de l'armée française ?
- Oui, c'est la destruction de l'armée française.
("Le peuple du désastre, Henri Amouroux).
C'est ce jour-là que Reynaud appelle d'urgence le Maréchal Pétain (alors ambassadeur à Madrid). Reynaud confirmera cinq ans plus tard (au procès du Maréchal, 1945) : "Je me suis adressé à lui lorsque la catastrophe a été acquise".
Pendant ce temps, les diplomates du Quai d'Orsay s'empressent de brûler les archives compromettantes dans la cour du ministère dans un gigantesque autodafé commandé par un certain Alexis Sain-Léger-Léger, plus connu sous le nom de St-John-Perse, auteur abscon.
Belges et Hollandais ont capitulé. Les Anglais, de plus en plus réticents, évacuent Arras et se replient sur Dunkerque. Querelles franco-anglaises sur les effectifs anglais qui "rembarquent" sous les bombes et laissent les Français seuls face aux Allemands. Le 8 juin, repli général des troupes. Le 10, Paris et toutes les villes de plus de 20 000 habitants sont déclarées "villes ouvertes" (les maires des toutes petites villes accueillaient alors les "réfugiés" avec plaisir !). Débâcle générale. Confusion totale. L'Italie déclare la guerre à la France. Le gouvernement s'insalle provisoirement à Bordeaux. Encerclement de Paris et de nos armées de l'Est prises à revers…par le sud !
On ne le saura que plus tard, plus de cent mille hommes sont morts au combat désespéré contre l'armée allemande, inférieure en nombre, mais supérieurement organisée et commandée.
Au soir du 16 juin, le désastre est total, les résistances ici et là ne sont plus que des combats d'arrière-garde, les prisonniers sont faits par dizaines de milliers et il y a près de dix millions de réfugiés hagards sur les routes, bousculés par ceux (les militaires) qui veulent aller encore plus vite vers le sud, mitraillés par les Stukas, mourant de faim et de soif, de fatigue, d'écoeurement, d'impuissance et de chagrin.
L'armistice a donc mis fin à une situation intenable.
"L'abominable armistice" (le mot est de De Gaulle) ne fut pas retenu comme une accusation à charge par le procureur Mornet lors du procès Pétain.
J'ai sous les yeux les 23 conditions (6 pages serrées) dictées aux Français, aucune n'est contraire à l'honneur de la France.
L'armistice a permis de sauver la Marine qui n'a jamais été donnée aux Allemands.
Il a permis de garder un gouvernement français, certes sous haute surveillance, mais c'était certainement plus acceptable qu'un "gauleiter".
Il a permis de sauvegarder une "zone libre" jusqu'en novembre 1942, zone dans laquelle la plus grande partie de la "Résistance" est née, issue en partie de "l'armée de cent mille hommes" qui était autorisée sous certaines conditions.
Aucune terre de l'Empire français n'a été livrée à l'ennemi et les troupes allemandes et italiennes ne sont entrées en Tunisie qu'en réplique au débarquement américain en Afrique du Nord de novembre 1942. La Corse, par exemple, n'a connu que dix mois d'occupation (novembre 42 à août 43), les Vosges 54 mois.
Les départements du Nord et de l'Est de la France ont été "habitués" depuis 1870, aux combats, aux bombardements, à l'occupation ennemie. En revanche, les départements du Sud ont découvert la guerre pour la première fois en 1942, à l'exception des Alpes maritimes qui connurent quelques combats contre l'armée italienne en 1940 (15 jours).
En supposant qu'une volonté farouche de se battre eût animé les populations méridionales, croit-on vraiment qu'elles auraient accepté le destin de Varsovie détruite par les incendies et ses habitants passés par les armes ou au lance-flammes ?
La demande de conditions d'armistice a été retardée par un accord bizarrement passé en mars 1940, en pleine "drôle de guerre", entre Anglais et Français qui ressentirent subitement le besoin de consolider leur alliance. Cet accord établissait qu'aucun des alliés ne pourrait demander un armistice séparé en cas de "coup dur". Mais cet accord ne faisait pas mention du pourcentage de participation à la guerre de chacune des parties. Il se trouve que le partage des effectifs était de 90 pour la France et 10 pour l'Angleterre. Et c'est au moment où l'Angleterre se retirait des combats (Dunkerque et après Dunkerque) qu'elle s'offusquait que la France pût envisager un armistice séparé. Ce qui permettait à De Gaulle de crier à la trahison et de se poser en seul représentant légitime de la "souveraineté nationale". Le "Bien" c'était Lui, le "Mal" c'était Vichy.
De Gaulle n'a cessé de répéter qu'il ne saurait être question de créditer Pétain de la moindre pensée d'honneur, de sacrifice, de patriotisme.
Seul à Londres, payé par les Anglais, entouré seulement de quelques centaines de partisans, il a prétendu incarner la France contre les quarante millions de Français qui on fait confiance au Maréchal lequel fut reconnu par tous les pays y compris l'URSS et les Etats-Unis.
Le prix à payer sera la guerre civile, d'abord à Dakar, puis en Syrie, puis dans la vie politique française à la Libération et ses affreux réglements de comptes de l'épuration.
S'il s'était contenté de dire que la France "avait perdu une bataille mais non la guerre", s'il s'était contenté de former une légion de Français résolus à ne pas déposer les armes avant que l'Allemagne fût vaincue, son rôle eût été uniquement digne de louanges. (Weygand, "Rappelé au service").
Oui, mais voilà, il fallait qu'il entrât dans l'Histoire. Il fallait donc qu'il déclarât "inconstitutionnel" le gouvernement de Vichy et désignât comme traîtres à la Patrie ceux qui s'y associaient.
Contre l'évidence, c'est aujourd'hui ce qui est enseigné dans toutes les écoles de France et à la Télévision.
Je ne peux passer sous silence la grande sincérité du "poète" Paul Claudel écrivant en 1941, un poème à la gloire du Maréchal Pétain :
France, écoute ce vieil homme sur toi qui se penche et qui te parle comme un père.
Et en 1945, ces lignes à la gloire du général De Gaulle (il fait parler la France) :
Tout de même, ce que vous me dites depuis quatre ans, mon général,
Je ne suis pas sourde !
Vous voyez que je ne suis pas sourde et que j'ai compris.
Des millions de gens ont témoigné "de leur fervente admiration et de leur infinie gratitude envers le sauveur de la France". En 1940, et en 1945. C'était le même drapeau. Mais certainement pas les mêmes sentiments.
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