par Cousin Hubert Lun 30 Juin 2008, 23:22
C'est un indicateur inquiétant du traumatisme causé par une nuit d'émeute. Depuis les incidents du 14 juin à Vitry-le-François (Marne), où des groupes de jeunes avaient détruit une soixantaine de voitures et s'en étaient pris aux forces de l'ordre après le meurtre d'un de leurs camarades tué au cours d'une rixe, les habitants se sont précipités vers l'armurier de la ville dans l'idée de s'équiper en moyens de défense.
"En quinze jours, depuis les émeutes, j'ai eu près d'une centaine de visiteurs supplémentaires. Des particuliers qui viennent pour s'informer et pour acheter, parce qu'ils veulent pouvoir se défendre dans les quartiers les plus chauds", explique Sylvain Pierret, armurier du centre-ville. Des clients au profil différent du public habituel, essentiellement composé de chasseurs. Des clients, de tous âges, dont beaucoup souhaitaient s'informer sur la possibilité d'acquérir des fusils et des armes de poing.
"Ils m'ont dit qu'ils venaient à cause des émeutes. Je leur ai expliqué qu'il n'était pas possible d'acheter des armes sans permis. Du coup, une partie s'est repliée vers des armes non létales", raconte l'armurier, citant des bombes lacrymogènes, des pistolets tirant des balles en caoutchouc et des poings électriques. "Il y a un gros ras-le-bol et de la peur. Les gens veulent des produits qui les rassurent".
Face à ces réactions, le maire, Jean-Pierre Bouquet (PS), a lancé un appel au calme dans le quotidien régional L'Union. "La situation est apaisée mais la ville reste en état de choc, comme en apesanteur, explique-t-il aujourd'hui. J'ai ressenti la psychose dès le lendemain matin : quand je rencontrais les victimes, certaines me disaient qu'elles allaient sortir les fusils." Dans la zone pavillonnaire qui jouxte la cité, où de nombreuses voitures avaient été dégradées, les victimes interrogées par Le Monde, quelques heures après les violences, ne cachaient pas leur volonté d'assurer eux-mêmes leur protection.
Ces réactions illustrent la profondeur du traumatisme pour les habitants. Dans un contexte d'émeutes, en effet, ceux-ci voient des groupes, souvent cagoulés et armés de battes de base-ball, prendre le contrôle du territoire et saccager bâtiments et voitures. Avec une difficulté supplémentaire pour des villes moyennes comme Vitry-le-François : contrairement aux quartiers d'Ile-de-France, pour lesquels les autorités peuvent rapidement mobiliser des forces, les pouvoirs publics ne disposent pas de réserves à proximité pour rétablir vite le calme. Plusieurs dizaines de minutes, voire plusieurs heures, s'écoulent ainsi, dans une forme d'anarchie, avant que les habitants puissent constater une intervention efficace des forces de l'ordre.
L'impact est désastreux. Après des violences similaires en octobre 2007, à Saint-Dizier (Haute-Marne), ville de 30 000 habitants distante de 30 km, les victimes avaient ainsi fait part aux psychologues de la cellule de crise d'un mélange de "peur", de "fatalité" et de "vive colère" face à l'incendie, par un groupe de jeunes, de dizaines de véhicules et de plusieurs bâtiments publics.
Dans leur bilan d'intervention, les psychologues insistaient sur le "sentiment d'abandon et d'impuissance" des habitants. Ceux-ci racontaient avoir "été livrés à eux-mêmes face à une situation les débordant totalement, sans aide ni soutien des forces de l'ordre, elles-mêmes débordées". Avec une double conséquence possible : la volonté de se protéger individuellement et un fort rejet des autorités publiques, jugées incapables d'assurer la sécurité.
Sur le plan humain, les impacts sont durables, en particulier pour les personnes les plus fragiles. Mme X. (témoin anonyme dans la procédure, son nom ne peut être révélé) habitait ainsi depuis près de quarante ans dans le quartier du Vert-Bois, à Saint-Dizier. "Jusqu'aux émeutes, j'étais toujours sortie pour aller faire mes courses, en prenant le bus. Après, j'ai arrêté, j'avais trop peur." Pendant les violences, cette sexagénaire s'était trouvée à quelques pas des émeutiers, au milieu des voitures en feu et des pavés qui volaient. Aujourd'hui, toujours aussi choquée, cette mère de famille dit éviter les "groupes de jeunes". "Je me méfie des gens quand ils sont en groupe. Et je change de trottoir", résume-t-elle.
Ces traumatismes expliquent les démarches entreprises par les mairies après les incidents. A l'initiative de son maire (UMP), François Cornut-Gentille, la commune de Saint-Dizier a ainsi soutenu la création d'une association de victimes. Celle-ci rassemble 24 habitants qui ont accepté de se constituer "parties civiles" - un nombre élevé dans un contexte où prime habituellement la "loi du silence". "Sans l'association, on n'aurait jamais eu de parties civiles. Certaines victimes auraient probablement choisi de ne pas porter plainte pour ne pas risquer de représailles", souligne le maire.
Du fait de cette expérience, la commune de Vitry-le-François a fait appel à la municipalité de Saint-Dizier pour savoir comment gérer au mieux l'après-émeute. Une association de victimes vient ainsi d'être constituée. Sa première réunion a rassemblé 70 habitants. "Il y a un gros mouvement de colère dans la ville. Mais aussi un fort intérêt pour la démarche engagée", insiste Jean-Pierre Bouquet, convaincu que la qualité de l'enquête policière sera décisive pour rétablir la sérénité. Le maire veut espérer que les "vertus civiques" de l'association l'emporteront sur les réflexes d'autodéfense.
http://www.lemonde.fr/societe/article/2008/06/30/a-vitry-le-francois-la-psychose-apres-l-emeute_1064497_3224.html
Hier à 22:28 par mistinguetteR
» Garçon? Une coupe de sentiment d'insécurité, avec une larme de crème de mûres à l'Armagnac, je vous prie.
Lun 18 Nov 2024, 11:09 par Cousin Hubert
» RETRAITE ou DEROUTE ?
Sam 16 Nov 2024, 12:37 par Cousin Hubert
» Immigration: une richesse pour la France?
Sam 16 Nov 2024, 11:20 par Cousin Hubert
» Les pépites sont terrorisées par les flics...
Ven 15 Nov 2024, 00:12 par Cousin Hubert
» Marseille
Jeu 14 Nov 2024, 22:59 par Cousin Hubert
» Un commerce dans un quartier paisible... en Francarabia...
Jeu 14 Nov 2024, 00:54 par Cousin Hubert
» Féministes féminisme
Mer 13 Nov 2024, 12:57 par Florence67
» émeutes
Dim 10 Nov 2024, 19:03 par Cousin Hubert