Au hasard des rangements de bibliothèque, je retrouve un passage de Jean Dutourd que je trouve fort pertinent.
C'était juste après le vote de l'Assemblée excluant pour toujours la peine de mort.
Ou est l'imposture dans la grande affaire de la suppression de la peine de mort ? Il n'est pas possible qu'il n'y en ait pas. Ce déferlement de beaux sentiments humanitaires, ce lyrisme, ces attendrissements, cela dissimule quelque chose qui n'est pas aussi grandiose et qu'on ne dit pas. J'ai longtemps cherché et je crois que j'ai entrevu la vérité.
La vérité n'est pas gaie selon son habitude. C'est le citoyen Saint-Just, ami de Robespierre, qui m'a aidé à la trouver. J'ai lu par hasard une phrase de lui, citée par un de ses biographes. Phrase profonde, admirable, fulgurante, digne d'un vrai philosophe de l'action: "On ne gouverne pas innocemment". L'imposture est là, m'écriai-je in petto.
Un des malheurs, le pire peut-être, de l'Occident d'aujourd'hui est qu'il est mené par des gens qui veulent gouverner innocemment. Autrement dit, qui s'emparent du pouvoir, mais qui refusent les responsabilités inhumaines qui y sont attachées, autrement dit encore, qui veulent garder les mains propres.
Nous autres, petites gens honnêtes, nous élisons des hommes pour qu'ils se salissent les mains à notre place. En leur remettant le pouvoir, nous leur disons implicitement : "Nous sommes petits, nous sommes faibles. Vous êtes forts. Faites ce que nous incapables de faire. Prenez les décisions redoutables que nous n'avons pas le courage de prendre. Damnez-vous pour que nous soyons sauvés.
Mais nos élus sont aussi de petites gens, hélas ! et ils sont aussi moraux que nous. Nous les payons pour qu'ils se vautrent superbement, comme des lions, dans la charogne. Or ces lions sont des hermines, des chats blancs qui lèchent interminablement leur fourrure immaculée à la moindre tache.
Guillotiner un assassin les éclabousserait de sang, pensée intolérable. Résultat, le monde est inhabitable. Le mal triomphe partout. C'est nous qui sommes obligés de nous salir les mains, c'est-à-dire de faire la justice que nos maîtres ne font pas, mais sans leur impunité.
Ce fut écrit en 1981, il y a vingt-huit ans.
Il ajoute, plus loin : Nous dormons avec un fusil à côté de notre lit.
Nous avons la vertu, soit. S'il n'y avait pas cette vertu, nous aurions la paix.
C'était juste après le vote de l'Assemblée excluant pour toujours la peine de mort.
Ou est l'imposture dans la grande affaire de la suppression de la peine de mort ? Il n'est pas possible qu'il n'y en ait pas. Ce déferlement de beaux sentiments humanitaires, ce lyrisme, ces attendrissements, cela dissimule quelque chose qui n'est pas aussi grandiose et qu'on ne dit pas. J'ai longtemps cherché et je crois que j'ai entrevu la vérité.
La vérité n'est pas gaie selon son habitude. C'est le citoyen Saint-Just, ami de Robespierre, qui m'a aidé à la trouver. J'ai lu par hasard une phrase de lui, citée par un de ses biographes. Phrase profonde, admirable, fulgurante, digne d'un vrai philosophe de l'action: "On ne gouverne pas innocemment". L'imposture est là, m'écriai-je in petto.
Un des malheurs, le pire peut-être, de l'Occident d'aujourd'hui est qu'il est mené par des gens qui veulent gouverner innocemment. Autrement dit, qui s'emparent du pouvoir, mais qui refusent les responsabilités inhumaines qui y sont attachées, autrement dit encore, qui veulent garder les mains propres.
Nous autres, petites gens honnêtes, nous élisons des hommes pour qu'ils se salissent les mains à notre place. En leur remettant le pouvoir, nous leur disons implicitement : "Nous sommes petits, nous sommes faibles. Vous êtes forts. Faites ce que nous incapables de faire. Prenez les décisions redoutables que nous n'avons pas le courage de prendre. Damnez-vous pour que nous soyons sauvés.
Mais nos élus sont aussi de petites gens, hélas ! et ils sont aussi moraux que nous. Nous les payons pour qu'ils se vautrent superbement, comme des lions, dans la charogne. Or ces lions sont des hermines, des chats blancs qui lèchent interminablement leur fourrure immaculée à la moindre tache.
Guillotiner un assassin les éclabousserait de sang, pensée intolérable. Résultat, le monde est inhabitable. Le mal triomphe partout. C'est nous qui sommes obligés de nous salir les mains, c'est-à-dire de faire la justice que nos maîtres ne font pas, mais sans leur impunité.
Ce fut écrit en 1981, il y a vingt-huit ans.
Il ajoute, plus loin : Nous dormons avec un fusil à côté de notre lit.
Nous avons la vertu, soit. S'il n'y avait pas cette vertu, nous aurions la paix.
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